vendredi 22 mai 2015

"Le péril grandit, grandissons avec le péril" (Victor Hugo)

Le 29 avril 2015, des étudiants de Sciences-Po membres de l'association "Critique de la raison européenne",  ont placé en ligne la vidéo de l'intervention de Jean-Pierre Chevènement réalisée un peu plus tôt dans l'année - au mois de février - dans cette institution, sur la thématique "Europe, la montée des périls". Intervention où l'on parle de la critique de la raison néo-libérale pour entrevoir une Europe raisonnable, où l'on veut se tourner vers l'avenir avec l'appui de concepts clairs, et où l'on s'autorise à mettre en perspective historique ou à replacer en situation géopolitique à chaque fois qu'il est nécessaire ... (cf. intervention de Jean-Pierre Chevènement à Sciences Po - 19/02/2015)

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Sans doute, aussi, cette idée de "péril" [1] donne-t-elle une bonne occasion de remémorer cette formule de Victor Hugo, dans l'Histoire d'un crime (ouvrage commencé en décembre 1851, majoritairement composé jusqu'en mai 1852 si l'on en croit l'auteur lui-même, finalement repris et publié en 1877), qui raconte la résistance tentée par les Républicains, par la gauche (Maurice Agulhon évoque à ce propos "quelques dizaines de montagnards"[2]), pour la défense de la Seconde République suite au coup d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte. Ainsi que le décrit Hugo, la gauche organise un comité de résistance dans la capitale, comité qui se transporte rue Popincourt pour des raisons de sécurité; Hugo tente à ce moment de définir "le parti à adopter pour la journée qui allait suivre" et dresse l'essentiel des enjeux en quelques formules :
"Louis Bonaparte, à chaque minute qui s’écoule, fait un pas de plus dans son crime. [...] il avance sur nous, avançons sur lui. Le péril grandit, grandissons avec le péril." [3]

Pour une analyse historique de la portée symbolique de cette résistance républicaine, on peut consulter cet article de Maurice Agulhon pour les célébrations nationales de 2001 (Les résistances au coup d'Etat 2-10 décembre 1851 par Maurice Agulhon). Et, dans la foulée, (re-)découvrir le compte-rendu que Mona Ozouf avait fait de La République au village, in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, n°2, 1971, pp. 430-432.

Si les conditions de notre actualité sont bien différentes de ces conditions historiques, et si les défis  à relever sont d'autre mesure, il n'en reste pas moins que l'impératif, pour les défenseurs de la République,  et pour la gauche, reste le même : lorsqu'un péril, spécialement pour les institutions républicaines, les valeurs, les principes, l'impératif de Justice sociale, grandit, il faut se mettre en mesure de grandir avec le péril. Cette capacité à grandir pour faire face est un des enjeux du temps présent à relever pour les forces de gauche qui n'ont pas renoncé face au néo-libéralisme, à ses prolongements, à ses conséquences, et pour contrer l'instauration progressive d'un "état de semi-apesanteur démocratique" [4].

[1] selon le Littré : "Etat où il y a quelque chose de fâcheux à craindre"
[2] AGULHON (Maurice), 1848 ou l'apprentissage de la République, coll. Nouvelle histoire de la France contemporaine, t. 8, Points Seuil, 1992, p. 187
[3] voir, par exemple, les œuvres complètes de Victor Hugo sur le site gallica de la BNF
[4] voir à ce propos, sur le site de Claude Nicolet, le texte de la motion présentée par Hugo Prod'homme, Jean-Pierre Lettron et Michel Sorin (on trouve aussi ce texte par ce lien vers le blog de Marinette Bache - en effet, ce texte a suscité de l'intérêt non pas seulement au MRC) pour le Congrès 2015 du MRC à Paris-Bercy (13 et 14 juin) et le texte de la contribution de Michel Sorin, Serge Maupouet, Gérard Beillard et Eric Tollenaère que Michel Sorin avait présentée en ligne.